Métamorphoses – Projet 2024 / 2025

Le projet Métamorphoses imaginé par Laurent Maindon et l’écrivain nantais Éric Pessan va s’écrire au cours de l’année 2024 afin de pouvoir envisager une création au printemps 2025. En parallèle du montage de production et partenariat qui s’effectuera courant 2023, des résidences d’écriture et de pratique théâtrale se mettront en place sur les territoires d’accueil, notamment en direction des adolescents et aussi des personnes âgées.

À propos de…
Notre monde n’a jamais cessé de se métamorphoser. À travers lui, l’individu en fait autant, tour à tour sujet ou objet de ces transformations. C’est ce qu’un jour Franz Kafka a décidé de nous raconter dans une courte nouvelle.
L’idée de départ nait d’une envie de s’interroger sur les portées de la Métamorphose de Kafka. Il ne s’agit pas de réécrire une adaptation de la nouvelle de Kafka mais de partir de celle-ci pour interroger notre monde. Quels sont les sens cachés derrière cette transformation physique (et donc mentale) de Gregor Samsa ? Que signifie le regard réprobateur ou castrateur de ses proches ? Y a-t-il une place pour la bienveillance ? Si oui de quelle nature ? Quel regard pose-t-on sur la différence ? Quel regard sur les transformations extérieures ? Quelle distance entre l’image de soi et le regard d’autrui sur soi ? Et bien d’autres questionnements encore… Et si Gregor ne s’était jamais transformé en insecte mais qu’il se percevait comme tel uniquement à travers le regard d’autrui ?
Une autre envie très forte est de s’aventurer sur une forme théâtrale d’images et de récit, écrit en collaboration avec l’écrivain, romancier et auteur dramatique, Éric Pessan. Chercher un autre récit scénique que celui que j’ai exploré à travers le répertoire contemporain depuis des années.

Voici ce qu’écrit Éric Pessan : D’une certaine manière, ce projet avec le théâtre du Rictus est logique : en partant d’ateliers, de collectes, d’écritures participatives, il permettra de continuer à interroger la manière dont nous faisons face aux métamorphoses, dont elles nous constituent, nous effraient, nous permettent d’évoluer, nous laissent parfois sur le banc de touche. Le projet imaginé par Laurent Maindon est pour l’instant très ouvert : pas de synopsis, pas d’idées verrouillées, simplement des questions communes, quelques intuitions, des pistes à explorer. C’est bien ce qui m’attire, ce texte-là je ne pourrais pas l’écrire chez moi, au confort de mon bureau, j’irai le travailler avec Laurent dans la rencontre d’autrui, dans l’empathie, dans le partage des incertitudes, dans l’exploration d’oralités, en gardant toujours à l’esprit qu’il s’agit d’aller chercher du mystère, d’ajouter des ombres, de chercher des indices de cette irruption de l’inadmissible dans nos vies.

La première phase d’écriture se déroulera donc sous la forme de résidences à deux pour débuter, puis à trois avec le scénographe puis à quatre avec le vidéaste, sur la période d’octobre 2023 à avril 2024, pendant lesquelles s’élaboreront l’architecture scénique et scénographique du spectacle.

Les passages successifs de l’enfance à l’adolescence puis à celui de l’âge adulte supposent des transformations physiologiques, psychologiques, des adaptations au monde réel, des renoncements, la création de souterrains mentaux où l’on commence à enfouir des secrets. Tant physiquement qu’intérieurement, cette traversée de quelques années modifie les relations aux proches (famille/amis) et mais aussi aux rêves du futur.

  • La première scène pourrait commencer ainsi : Grégoire rêve d’animalité lorsque soudain lui parviennent les voix successives de sa mère puis de son père et enfin de sa sœur. Elles lui parviennent mais lointaine, entre rêve et réalité. On l’entend à son tour formuler une réponse de sa propre voix qui pourrait paraître incompréhensible, pareille à des borborygmes, distordue voire animale. L’adolescent en pleine mutation, physique et symbolique. Puis surpris par sa propre voix, il viendrait s’observer dans le miroir de sa chambre, y découvrant une image de lui qui rompt avec celle de son enfance. Ses fringues ne semblent plus adaptées à sa taille, les cheveux ont poussé, les poils également… La prise de conscience est brutale et donne lieu à un jeu de découvertes embarrassantes. Tout cela avec les voix tour à tour douce, injonctive, soupçonneuse des parents (« ce vacarme résonnait maintenant comme la voix de cent mille pères ») et tantôt compatissante de la sœur. La métamorphose est à l’œuvre, avec la violence de sa révélation et les promesses diffuses qu’elle suggère.
  • Par la suite, les choses s’aggravent. Grégoire sentant l’incapacité de se montrer face aux autres tel qu’il se voit, décide de trouver un subterfuge pour affronter les autres. Il se met à se maquiller maladroitement, puis tente une première sortie. Il provoque des hurlements et des condamnations dans sa propre famille. Alors il décide de se claquemurer dans sa chambre où il se morfond et se plonge dans le brouhaha des réseaux sociaux. S’ensuit un défilé d’adultes qui tentent de le raisonner en le haranguant à travers la porte de sa chambre. Festival de menaces, de réprobations… Grégoire expose son malheur sur les réseaux, cherchant réconfort dans sa chrysalide numérique, là où il trouve insultes, moqueries, encouragements…
  • Possibilité d’intercaler des scènes de rêve/cauchemar.
  • Puis peu à peu s’installe une vie d’hikikomori, on lui transmet sa nourriture quotidienne sous la porte… le temps d’accomplir et d’accepter la métamorphose.
  • La mère pourrait user en surabondance de petits noms doux d’animaux pour évoquer Gregor, ce qui a pour effet immédiat le rejet puis l’aliénation pour Gregor. Il a déjà temps e mal à accepter son corps et ses transformations à l’œuvre qu’il ne supporte pas d’être nommé ainsi.
  • Au fond, Gregor se voit comme un parasite dont la société, pense-t-il, voudrait se débarrasser. Paranoïa de l’adolescent mutant qui se réfugie dans la rébellion par frustration de ne pouvoir ou savoir agir sur le monde. C’est la petite fabrique de l’identité qui est à l’œuvre.
  • Il est intéressant de noter que chez Kafka, la transformation de Gregor entraine une transformation complète de la famille et des rôles dans la famille. Les mues sont transmissibles ou plutôt subséquentes.
  • L’important dans le processus de la métamorphose, c’est qu’il est irréversible. Il s’accompagne du deuil de l’état précédent. L’adolescent, pour son bonheur ou son malheur, voit son enfance et son innocence disparaître sous ses yeux et dans son corps. C’est à partir du moment où il s’en rend compte, qu’il prend conscience que commence la (mini-)tragédie.

Le personnage sur scène vivra ses métamorphoses d’adolescent puis de vieillard, préparant sa dernière métamorphose. Distribution : 3 interprètes.

La création est prévue sur le 1er trimestre 2025 et sera précédée de 7 semaines de répétition et de résidence pour une équipe de 7 personnes, maximum. Nous projetons la diffusion de ce spectacle sur la 1ère saison d’exploitation à raison de 10 dates en 2025.