ASPHALT JUNGLE SAISON 1



 

 
 

SYNOPSIS
 


 
Anonymat, violence, embrigadement, soumission… mais aussi ironie, humour noir et extravagance.  Dans la jungle des villes on se perd sans savoir qui l’on est. Qui sont ces types qui jouent le jeu de l’autre ? Ont-ils le choix, sont-ils bourreau ou victime ? Cette jeune fille aurait-elle pu avoir un autre destin ? La réalité doit-elle toujours dépasser la fiction ? Personnages dans leur solitude et  la difficulté d’être. Une société occidentale en quête d’identité et de valeurs. Vision kaléidoscopique, zapping géant sur toile de fond de faits divers, entre poésie et réalité crue, repli sur soi et peur de l’autre, peur de soi et déni de l’autre, entre road movie et western urbain.
Les textes de Levey semblent des météorites tombés d’un ciel tourmenté.
 


 
NOTE D’INTENTION
 


 
Quand on lit les textes de Sylvain Levey, on est immédiatement frappé par les qualités de captation de celui-ci. Captation d’une solitude, captation d’une révolte, captation d’un malaise ou d’un mal-être indéfini. Les personnages semblent subir une pression qu’ils ne perçoivent pas mais qui tend à les broyer. D’autres reproduisent des comportements ou revendiquent des convictions dont ils ignorent la cause et l’origine. La force de ces regards posés sur des situations indépendantes entre elles, c’est qu’elle n’est pas partisane d’une idéologie. Levey ne nous inflige pas une analyse pseudo-marxisante ni même le discours lénifiant des experts en psychologie collective qui abondent sur les chaînes de télévision. Il nous donne à voir une société qui se cherche à travers les faits divers ; ceux-ci devenant les révélateurs supposés de nos comportements, seuls indices pour comprendre notre situation.

Ses esquisses à lui révèlent les meurtrissures d’une société dérivante, en quête d’elle-même, se réinventant ses propres mythes. Elles mettent en évidence les tendances que nous constatons partout en Europe et en Amérique du nord : repli sur soi, peur de l’autre.

Tous ces réflexes identitaires qui mènent à l’annihilation de l’autre ou au suicide. Et c’est là que Sylvain Levey parvient à débusquer l’universel enfoui, à restaurer dans l’aventure individuelle ce qu’elle a de mythologique. Il erre entre ces âmes et ces affres à la manière d’un Gus van Sant, tentant la reconstitution du passage à l’acte en déroulant les faits.

C’est en juxtaposant plusieurs de ces situations que je souhaite recomposer une chronique urbaine, vision kaléidoscopique d’une société occidentale à la recherche d’identité, de valeur, dans la jungle moite des villes. Pour rire pour passer le temps, suivi de Juliette suite et fin précoce, seront les textes que je retiens pour composer cette chronique de début de XXIème siècle.

Laurent Maindon, metteur en scène sur Asphalt Jungle
 


 
ENTRETIEN -Sylvain Levey / Laurent Maindon
 


 
LM : Je crois savoir que ta pièce Pour rire pour passer le temps est partie d’une commande d’écriture. D’une manière générale comment réponds-tu à ce type de sollicitation et à celle-ci en particulier?
 
SL : Pour moi la bonne commande d’écriture est une commande qui doit ouvrir des brèches pour l’auteur, l’amener sur des chemins de traverse, l’amener à questionner ce qu’il ne questionnerait pas sans le stimulus de la commande. J’aime les commandes qui permettent un grand champ des possibles, pour moi répondre à une commande est avant tout écrire dans le but de proposer ce texte à mon éditeur car pour moi bien répondre à la commande c’est l’inscrire dans le long terme et inscrire le texte dans le répertoire; bien sûr, la compagnie va être la première à créer le texte sur le plateau mais la plus belle récompense pour elle c’est quand ce texte va avoir une deuxième vie voire une troisième et ainsi de suite. Paradoxalement les meilleurs textes que j’ai écrits sur commande ce sont ceux où je n’avais pas trop discuté du contenu et surtout où je n’ai pas cherché à faire plaisir car le rendu du texte doit aussi ouvrir des brèches de mise en scène, dans cette commande passée par le CDN de valence, j’avais une phrase: « tant que le ciel est vide » et je devais écrire pour quatre acteurs; voilà une commande qui laisse de la place et m’a permis de partir là où j’avais envie; en fait avec le metteur en scène il faut parler beaucoup de tout sauf de théâtre ! Musique, politique, philosophie, cinéma, sport, souvenirs d’enfance mais de théâtre point trop n’en faut !
 
LM : Je partage assez ce dernier argument. Avec les comédiens nous parlons très peu théâtre, mais de tout le reste. Pour revenir à ta pièce, quelles voies secrètes (inspiration, oeuvres d’accompagnement…) t’ont amené à traiter dans Pour rire pour passer le temps de ces sujets (violence, harcèlement, soumission, embrigadement…) ?
 
SL : Tout d’abord cette phrase qui était le point de départ: « tant que le ciel est vide ».
Quand le ciel est vide tout est permis, il n’y a pas de limite. Attention, je ne parle pas ici du vide d’une divinité quelconque. Je parle du vide de la pensée.
Ensuite il y a une scène de Preparadise sorry now de R.W. Fassbinder, pièce dans laquelle je jouais au moment d’écrire ce texte. La scène est une scène entre Mira et Ian (les deux tueurs en série) et leur cousin qu’ils essayent de convaincre du bien fondé de leurs actions.
Ensuite aussi il y a une photo dans une revue : quatre hommes mangent à une table, dans les années soixante dix peut-être au vu des vêtements, ce sont quatre membres de la camorra italienne, le journaliste a écrit au feutre un numéro sur chacun des hommes 1, 2, 3, 4 avec en légende sous la photo les noms des quatre hommes numérotés. Ces quatre chiffres sont mes quatre comédiens/personnages
Ensuite il y a le clan des barbares et Guantanamo bien évidemment mais je ne voulais pas cibler le texte ni en Irak ni en banlieue ni en Italie, je voulais juste traiter mécaniquement le principe de violence : Comment devient t-on complice ? C’est surtout cela qui m’intéresse dans ce texte, la complicité. Je me sens complice tous les jours de ce qu’il se met en place au quotidien en Europe, la fascisation tranquille. Je ne fais pas grand chose contre et je ne suis pas le seul, nous avons baissé les bras et laissons faire, impuissants, démotivés face à la montagne capitaliste et fasciste qui nous fait face. Le ciel est vide, dans le sens où il n’y a plus aucune alternative possible, ils ont gagné et pour longtemps encore.
On m a beaucoup parlé de Orange mécanique de S. Kubrick, je ne l’avais pas vu on m’a aussi parlé de Funny games de M. Haneke, je ne l’avais pas vu, on m’a beaucoup parlé de Face au mur de M. Crimp je ne l’avais pas lu mais ce texte Pour rire pour passer le temps, c’est un peu tout ça mais pas tout à fait.
 
LM : Effectivement, je pense que le challenge pour nous (metteur en scène et interprètes) vis-à-vis de ton texte est de maintenir le plus de niveaux de lecture possibles. Ne pas chercher à instrumentaliser le propos pour lui conserver son universalité. Mais je voudrais revenir à ton écriture. Je remarque d’une manière générale que tes pièces sont très dialoguées, j’entends par là que les personnages ne s’écoutent pas parler mais communiquent entre eux. Ce choix n’est pas une tendance majeure dans le répertoire français. Est-ce le fruit de la cohabitation du comédien et de l’auteur ou une influence plus marquée par le cinéma et la télé ?
 
SL : La télé non! Je n’en ai plus depuis plus de dix ans! Le cinéma oui un peu mais je n’ai pas une grande culture cinématographique, la littérature oui, américaine surtout, Hubert Selby Junior, John Kennedy Toole, Jonathan Franzen sont des exemples.
C’est vrai que j’affectionne le dialogue, un peu moins maintenant, dans mes derniers textes la mécanique du dialogue est moins présente car j’écris le dialogue comme une mécanique. C’est le cas dans O ciel la procréation est plus aisée que l’éducation notamment, c’est encore plus vrai dans Pour rire pour passer le temps où je me suis amusé à mettre des grains de sable dans une mécanique que j’espère bien huilée. En fait les acteurs ne doivent pas jouer la situation mais se laisser emporter par la mécanique et se faire dépasser par elle. En fait dans ces deux textes, quand il y acte de violence c’est la mécanique qui s’enraye et le comédien qui est dépassé par la mécanique, la violence reste la seule issue.
On m’a souvent dit que mes textes sont drôles. Je déteste qu’on me dise cela. Oui il y a de l’humour mais ce n’est qu’un outil, l’humour est une virgule dans le texte. Beaucoup de gens disent c’est drôle mais derrière c’est violent moi je dis l’inverse : c’est violent et au fond il y a de l’humour.
Effectivement, les personnages, appelons les comme cela, ne s’écoutent pas parler, chaque réplique est pour moi un cadeau, un bâton de relais, à l’autre pour qu’il enchaîne et continue la dynamique de la parole et quelquefois je m’amuse à ce qu’une réplique amène l’ensemble du plateau à improviser à partir de la nouvelle donne inaugurée par cette réplique, la mise en scène des textes doit donner l’illusion d’une improvisation constante, comme si tout se construisait au fur et à mesure du plateau, dans mon idée du théâtre il y a vraiment une construction en directe de la situation, chaque comédien/personnage apportant sa petite pierre à cette construction.
J’aime aussi l’idée que les comédiens jouent l’incompréhension, souvent les comédiens/personnages font répéter l’autre, au fond ils ont bien compris mais c’est de l’ordre du jeu on peut dire, autrement, que mes personnages/comédiens sont sourds ou jouent la surdité sur le plateau.
O ciel la procréation est plus aisée que l’éducation et Pour rire pour passer le temps c’est du catch, c’est à dire tout le monde sait que c’est faux mais tu ne peux pas t’empêcher de serrer les dents quand le gars se prend des coups. Tout est prévu à l’avance mais tout peut basculer aussi je veux dire par là qu’il faut donner ce sentiment qu’à n’importe quel moment le jeu peut s’arrêter et la réalité dépasser la fiction. En fait il faut jouer ce texte le sourire aux lèvres mais, les yeux rieurs mais les dents serrées.
 
LM : Le harcèlement, qu’il soit  physique ou moral, constitue une gamme assez raffinée de l’exercice du pouvoir. D’après toi le pouvoir, quel que soit son lieu d’exercice, porte-t-il intrinsèquement ses excès ? En d’autres termes peut-on exercer un pouvoir sans dérive ?
 
SL : J’ai l’impression que oui. Comme les nouveaux riches ne peuvent s’empêcher de vivre dans l’excès, les gens qui ont à un moment donné un pouvoir ne peuvent s’empêcher d’en abuser, tout comme les privilèges, tout le monde critique les privilèges des autres mais chacun est content de bénéficier d’un privilège à un moment donné. Bien sûr il y a des exceptions et des gens qui utilisent de façon objective et juste le pouvoir mais ces gens ne sont pas intéressants au théâtre!!!!! Plus que le pouvoir et les excès, c’est la question de la complicité qui m’obsède. Plus que celui qui donne l’ordre, qui jouit de son pouvoir politique, économique, spirituel… je m’intéresse à celui qui exécute l’ordre, il n’est ni la victime, ni le bourreau, il est l’instrument. Je m’intéresse à celui qui tient l’arme pas à celui qui donne ordre de tirer, la question du moment est pour moi est de savoir: jusqu’à quand? Jusqu’à quand nous (je) allons (vais) nous (me) taire ? Jusqu’à quand (je) nous (vais) allons accepter ? Jusqu’où aussi, jusqu’où ça va aller ? Jusqu’à quand sommes (suis je) nous capables de faire fi de nos (mes) convictions par peur de perdre ce que le capitalisme nous (m’a) a donné (ou ce que nous avons cru qu’il nous donnait).
J’aime bien fonctionner par ellipse alors je dirai : Qui le premier de nous tous va rendre son téléphone portable et se contenter de son téléphone fixe (avec répondeur pourquoi pas) ? Et combien serons-nous à le suivre ?
Le monde s’ennuie, il faut bien passer le temps, alors pourquoi pas rire ou faire semblant ?
 
Propos recueillis par Laurent Maindon, septembre 2008

 
 
COMPLÉMENT
 
 
DISTRIBUTION
SYLVAIN LEVEY
PRESSE