FIN DE PARTIE
AUTEUR : SAMUEL BECKETT
ANNÉE DE CRÉATION : 2002
PRODUCTION : Coproduction Théâtre du Rictus / Le Carré, Scène Nationale Château-Gontier / l'agence culturelle de Saint-Herblain.
Coréalisation : ONYX, MCLA, TU de Nantes. Avec l'aide du CG 44, de la Ville de Nantes, de la Région Pays de la Loire
NOTE D’INTENTION
FIN DE PARTIE OU L’APOCALYPSE JOYEUSE
Tout est calme en cette fin d’après-midi nuageuse. Clov monte à l’échelle pour vérifier à la fenêtre si rien n’a changé à l’extérieur du refuge. Puis il prépare Hamm, aveugle et paralytique, qui finit sa sieste sur son fauteuil, avant de retourner dans sa cuisine regarder son mur.
D’humeur à jouer, Hamm siffle Clov, son fils adoptif, pour que ce dernier vienne lui donner la réplique. Alors commence la joute. Ils jouent ainsi à passer le temps, alternant les complicités et les piques, toujours à l’affût du moindre événement, Clov menaçant continuellement Hamm de le quitter et Hamm s’amusant avec Clov comme le chat avec la souris.
On a toujours l’impression de connaître Beckett, alors qu’il ne cesse de nous surprendre tant son écriture est radicale.
Auteur du silence et de l’épure, il n’est pas pour autant un auteur de l’abstrait. Chez Beckett, les personnages sont de chair et questionnent leur quotidien de la manière la plus directe, la plus déconcertante. Et c’est précisément là que surgit soudain à leur insu une philosophie. Chez Beckett, on philosophe sans en avoir conscience. Du coup les mots et les silences ne résonnent pas de manière psychologique et pesante, mais revêtent une légèreté déconcertante. La lucidité est implacable et sans retour.
Les burlesques américains comme Buster Keaton nous amenait à rire ou plutôt à sourire, précisément parce qu’ils semblaient victime, tantôt passive tantôt active, de leur destin. Beckett déroule cette veine et resitue la parole dans la transfiguration du banal. Désarmante et terriblement concrète. Ainsi dans Fin de partie est on amené à (sou)rire des choses les plus graves : du rapport dominé/dominant, de l’absence d’issue, de la quête des origines, du temps qui passe…
Le spectacle s’engouffre dans cette recherche de la naïveté d’apparence, dans cette lucidité dévastatrice, dans laquelle la gravité n’est pas jouée mais suggérée, où l’on s’émerveille de la beauté d’un grain de sable pendant que le sablier universel s’évide en continu. Nous n’interprétons pas la philosophie, mais du jeu naît une possibilité de philosopher.
Laurent Maindon
COMPLÉMENT
DISTRIBUTION
DISTRIBUTION
Hamm : Gilles Blaise
Clov : Yann Josso
Nagg : Gilles Ronsin
Nell : Laurence Huby
Mise en scène : Laurent Maindon
Dramaturgie : Marie-Pierre Debroise
Scénographie : Christophe Garnier
Lumières : Jean-Marc Pinault, assisté d'Alain Le Foll
Costumes : Anne-Emmanuelle Pradier
Maquillages : Carole Anquetil
Affiche : Jean-Gilles Badaire
Réalisation décor : Ateliers de la MCLA
Exposition photographique : Ludovic Giraudon
Chargée de diffusion : Christine Carmona
SAMUEL BECKETT
SAMUEL BECKETT (1906 - 1989)
Irlandais, Samuel Beckett est venu sur Paris en 1928 comme lecteur d'anglais à l'École normale supérieure; il devient l'ami du romancier James Joyce. dont il traduit en français quelques oeuvres et fréquente les Surréalistes.
Il se rend ensuite à Londres où il mène une existence difficile et rédige son premier roman, Murphy, qu'il ne réussit pas à faire publier.
De retour en France en 1938, il commence à écrire en français. Entre 1946 et 1950, il compose ses oeuvres maîtresses qu'il parvient à faire accepter par le jeune éditeur J.Lindon aux Éditions de Minuit : Molloy, Malone meurt (1951,1952), L'Innommable, Watt (1953), Nouvelles et Textes pour rien (1955)...
Souvent associé avec Ionesco et Adamov sous le dénominatif de "Nouveau théâtre" ou "théâtre de l'absurde", ce qui caractérise son oeuvre, aussi bien sur le plan théâtral que romanesque, c'est un sentiment d'absurdité du monde que le langage tente de comprendre en le mimant, d'où une impression de ressassement sans but et énigmatique.
L'ensemble de l'oeuvre de Beckett est consacré en 1969 par le prix Nobel de littérature.
Bibliographie non exhaustive
(Les textes de Samuel Beckett ont paru aux Editions de minuit) :
Romans et nouvelles :
Bande et sarabande
Murphy
Watt
Premier amour
Molloy
Malone meurt
L'innommable
têtes mortes
Le dépeupleur
Compagnie...
Théâtre :
Eleutheria
En attendant Godot
Fin de partie
Tous ceux qui tombent
La dernière bande
Oh les beaux jours
Comédie....
Extrait de Rencontre avec Samuel Beckett de Charles Juliet, éd. Fata Morgana
"24 OCTOBRE 1968 :
Je l'observe à la dérobée. Il est grave, sombre. Les sourcils froncés. Le regard d'une insoutenable intensité. Alors que me gagne un certain affolement, je me force, sinon à parler, du moins à produire un son. Et c'est d'une voix à peine audible que je commence à lui expliquer qu'à vingt deux ans, j'avais essayé de lire Molloy. Que je n'avais rien compris à cette oeuvre, ni rien soupçonné de son importance. Que curieusement, et sans même avoir l'intention de les lire, je m'étais procuré les ouvrages qu'il avait publiés par la suite. Qu'au printemps 1965, et tout à fait par hasard, j'avais parcouru une dizaine de lignes des Textes pour rien. Que je n'avais pu lâcher ce livre et l'avais dévoré avec passion. Que je m'étais ensuite jeté dans son oeuvre et en avais été bouleversé. Que j'avais lu et relu chacun de ses ouvrages. Que ce qui m'avait impressionné, c'était cet étrange silence qu'on ne peut atteindre qu'à l'extrême solitude, quand l'être a tout quitté, tout oublié, qu'il n'est plus que cette écoute captant la voix qui murmure alors que tout s'est tu. Un étrange silence, oui, et que prolonge la nudité de la parole. Une parole sans rhétorique, sans littérature, jamais parasitée par ce minimum d'affabulation qui lui est nécessaire pour développer ce qu'il faut énoncer.
- Oui, convient-il d'une voix sourde, quand on s'écoute, ce n'est pas de la littérature qu'on entend. "
PRESSE
Cette pièce est comme un miroir tendu sur sa propre condition humaine. Fin de partie a posé les vraies questions existentielles sans en avoir l’air.
Haut‐Anjou - 01 / 02
Laurent Maindon veut faire dire au théâtre son appartenance au monde et ses personnages des créatures de l’universel. Le théâtre c’est donner et recevoir, une manière de se sentir moins seul...
Ouest France - 01 / 02
Laurent Maindon, avec une finesse et une empathie qui n’excluent pas la distance et l’analyse, parvient à restituer tout le génie de Beckett : « Dire des choses complexes avec des mots simples.
L’Hebdo de Nantes - 02 / 02
Un homme seul dans sa chambre : l’homme dans sa vérité. Vérité insupportable qui ne tient debout que par un assemblage bancal de petites habitudes, de manies. Mettre en scène revient à illustrer ce bricolage entre le désert de solitude et la présence rassurante de cloisons et de jouets inertes (tel le chien de Hamm)... A cela, Laurent Maindon parvient sans difficulté, le grand art consistant à intéresser quelques centaines de bipèdes à l’absence de bonheur. Le tandem Hamm/Clov fonctionne, avec un Gilles Blaise parfait dans ce rôle d’humain qui se joue sa comédie, gratte ses plaies masochistes.
Ouest France Daniel Morvan - 03 / 02
Laurent Maindon dirige les comédiens vers un parti pris grave et dérisoire. Gilles Blaise est remarquable : mieux, il est fort, touchant, simple et sincère sans jamais en rajouter. Quant à Clov, ce simple gentil qui ne se décide pas à 16 partir –malgré les 18 « je te quitte » ‐ il est vécu, plus qu’interprété, par un Yann Josso transfiguré. L’équipe fonctionne à merveille dans un décor imaginé et réalisé par Christophe Garnier.
Après la vision de cette « apocalypse joyeuse », comme dit Laurent Maindon, on en ressort avec une énorme envie de croquer la vie.
Pulsomatic Isa Crespin - 03 / 02
Dans un décor métallique articulé en cinq côtés, agrémenté de deux poubelles et de récipients en vrac sur le sol, les quatre personnages évoluent entre tragédie et burlesque, avec du théâtre ambulant dans leurs costumes. D’une écriture sobre posant des questions sur la quête des origines, l’absence d’issue, le temps qui passe, la relation dominant‐dominé, Fin de partie revêt une légèreté déconcertante tout à fait accessible. La mise en scène est magnifiquement bien servie par la performance des comédiens, dont la voix apporte une dynamique à cette pièce semée de silences.
Nantes Poche 03 / 03