L’HISTOIRE DU SOLDAT
AUTEUR : IGOR STRAVINSKI / CHARLES FERDINAND RAMUZ
ANNÉE DE CRÉATION : 2001
PRODUCTION : Spectacle réalisé par le Théâtre du Rictus et Frédéric Oster et produit par le C.R.E.A., direction René Martin
NOTE D’INTENTION
L’Histoire du soldat, dont la première eut lieu le 28 septembre 1918 à Lausanne, est le fruit d’une collaboration artistique très riche. Le poète Charles-Ferdinand Ramuz et le chef d’orchestre Ernest Ansermet imaginent, pour répondre aux besoins du public, un théâtre ambulant, dans ce contexte de pénurie et de douleur que sont les années de guerre. Ramuz et Strawinski se mettent alors à écrire un texte, d’après un conte d’Afanassiev, point de départ de l’Histoire du soldat, oeuvre conçue en termes de spectacle ambulant. René Auberjonois travaille au décors et costumes. Si l’on s’attache à l’aspect musical de ce spectacle, imaginé d’ailleurs de manière très visuelle par Strawinski, il faut souligner le caractère extraordinaire, au sens propre du terme, du « petit orchestre » : sont présents les instruments aux deux tessitures extrêmes de chaque famille (violon, contrebasse; clarinette, basson ; cornet, trombone), sans oublier la percussion qui joue un rôle absolument moteur dans cette oeuvre. A cette constante invention du rythme, ajoutons comme éléments clés la concision, l’autonomie de chaque élément musical, la distanciation ironique si chère à Strawinski, inspiré ici, peut-être, par l’illustration musicale des petits récits au Moyen Âge.
CONTEXTE
Histoire devant être lue, jouée et dansée d’Igor Stravinski. Livret de Charles Ferdinand Ramuz (28 septembre 1918, Lausanne).
Installé en Suisse depuis le début de la guerre, Stravinski perdit ses biens et son argent après la révolution russe d’octobre 1917. Aussi, en raison de ce manque de moyens, il chercha à composer une oeuvre nécessitant peu d’interprètes et trouva le soutien financier nécessaire auprès d’un mécène suisse, Werner Reinhart.
Son librettiste, Charles Ferdinand Ramuz, s’inspira de deux histoires issues d’un recueil de chants populaires russes réunis par Afanassiev, dont Stravinski avait déjà tiré Pribaoutki (1914), Renard (1917) et le cycle Soucoupes (1917). Les deux auteurs ôtèrent à ces contes tout ce qui en faisait des oeuvres typiquement russes, donnant ainsi à leur nouvelle composition une portée universelle. La pièce créée est une reprise de la légende de Faust.
L’Histoire du soldat fut représentée pour la première fois, le 28 septembre 1918, à Lausanne, sous la direction du chef suisse Ernest Ansermet.
LE LIVRET
En vendant son violon au diable, un soldat obtient la richesse mais devient étranger à toutes les personnes qu’il connaissait. Après avoir regagné son instrument aux cartes, le soldat guérit une princesse et l’épouse. Le héros accompagné de sa femme retourne alors dans son village où le diable l’attend et finit par l’emmener en enfer en jouant du violon.
LA PARTITION
Le morceau est écrit pour un ensemble de sept musiciens où se côtoient trois familles d’instruments représentées chacune par leur membre le plus aigu et le plus grave: violon et contrebasse, clarinette et basson, cornet et trombone, percussion. Sur scène interviennent un narrateur, deux acteurs (le diable et le soldat) et une danseuse (la princesse), mais aucun chanteur.
La partition fait alterner récit et musique. Elle est constituée d’une succession de séquences aux titres génériques: marche, concert, tango, valse, choral. Elles sont reliées entre elles soit par un thème, soit par le violon qui parcourt toute l’oeuvre et personnifie l’âme du soldat. Les mélodies, les rythmes semblent entièrement désincarnés mais une écoute attentive du morceau permet de déceler les décalages rythmiques et les enchaînements harmoniques.
Concentration extrême de moyens théâtraux, l’Histoire du soldat est l’une des oeuvres les plus parfaitement accomplies de Stravinski.
COMPLÉMENT
DISTRIBUTION
DISTRIBUTION
Mise en espace : Laurent Maindon
Narrateur : Philippe Vallepin
Le diable : Serge Lelay
Le soldat : Hervé Guilloteau
La danseuse : Esther Aumatell
Musiciens sous la direction de Frédéric Oster
Violon : Patrick Fevay
Contrebasse : Charles Arnault
Clarinette : Marie-Hélène Oster
Basson : Roland Ferron
Cornet : Christian Belz
Trombone : Philippe Chauvin
Percussion : Alain Durandière
Création lumières : Jean-Marc Pinault
IGOR STRAVINSKI / CHARLES FERDINAND RAMUZ
Igor Fiodorovitch Stravinski
Compositeur emblématique du XXe siècle, Igor Stravinsky navigue entre l'écriture néoclassique, le jazz, la polytonalité ou la musique sérielle, avec une virtuosité et une capacité d'adaptation remarquables, tout en conservant une empreinte personnelle reconnaissable entre toutes. En 1913, son oeuvre phare et corrosive, le 'Sacre du Printemps', sous l'égide des Ballets russes, marque un tournant dans la musique du XXe siècle et fait scandale, au moins autant par la chorégraphie de Nijinski que par l'originalité de sa musique… Par ses harmonies opulentes, ses rythmes asymétriques et ses orchestrations scintillantes, voire féeriques, le 'Sacre' influencera tout autant les musiciens classiques et contemporains que les jazzmen. Avant son départ vers les Etats-Unis, où il explorera de nouvelles formes musicales et collaborera avec le chorégraphe Balanchine, la brillance et la complexité de la musique moderne lui apparaissent comme une coquille de plus en plus vide, et il cherche à faire revivre certaines formes anciennes et se tourne vers l'écriture religieuse. En perpétuelle évolution, il considérait en effet que "continuer dans une seule et même voie, c'est aller à reculons"…
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Charles Ferdinand Ramuz
Écrivain Suisse (1878 - 1947)
A douze ans, le jeune garçon veut devenir écrivain. Licencié en lettres classiques à l'Université de Lausanne, il enseigne dans un collège et est ensuite précepteur. Mais, enseigner ne lui plaît pas. En 1903, il s'installe à Paris et se lance dans l'écriture en publiant 'Le Petit village', un recueil de poèmes. L'année suivante, il fonde, avec d'autres écrivains, 'La Voile latine' pour défendre la latinité contre la germanisation de la langue française. Les écrits publiés ensuite reprennent des thèmes, chers à l'auteur : la solitude de l'homme face à la nature et la poésie de la terre. On retient 'Aline', en 1905 et 'Vie de Samuel Belet' en 1913. De retour en Suisse en 1914, l'écriture de l'auteur prend une nouvelle dimension avec l'abandon de la narration chronologique, la richesse des points de vue et l'emploi très régulier du "on", impersonnel et anonyme. Les thématiques changent tout autant dans ses ouvrages : groupes villageois luttant contre les forces du mal, la guerre, la misère, les peurs, le plaisir de l'activité créatrice... 'Le règne de l'esprit malin' en 1917, 'Les signes parmi nous' en 1919 et 'La séparation des races' en 1922, 'Salutation paysanne' en 1919 ou encore 'Passage du poète'. A partir des années 30, son écriture atteint une pleine maturité avec des ouvrages comme 'Adam et Eve' en 1932, 'Le garçon savoyard' en 1936 où le lyrisme et le poétique dominent. Les dernières oeuvres de Ramuz sont marquées par la Seconde guerre mondiale. Un écrivain accompli.
PRESSE
Article de L'Hebdo de Nantes, mercredi 24 janvier 2001, signé Laure Naimski
"C'est un pari un peu fou qu'a accepté le metteur en scène Laurent Maindon. Monter l'histoire du soldat de Strawinski en quinze jours . Pourtant, lorsque René Martin le directeur artistique de la Folle Journée lui passe commande de cette création, le jeune homme n'hésite pas un seul instant. Il accepte de diriger, selon ses propres mots, "une version minimaliste mais qui reste ambitieuse" de l'oeuvre du célèbre compositeur russe.
Les rôles, les textes et la musique sont respectés. Sept musiciens, un chef d'orchestre, un narrateur, deux comédiens (le soldat et le diable) et une danseuse (la princesse). Voilà pour la distribution de cet opéra de chambre que Laurent Maindon a revisité sous la forme d'un oratorio. "J'ai davantage travaillé sur une mise en espace que sur une mise en scène", explique le jeune metteur en scène, qui n'a pas mis les comédiens en situation de jeu, mais derrière des pupitres.
"Cette épuration esthétique est intéressante. On est confronté à un dosage très infime dans le jeu des acteurs, dans la recherche des tons." Certains auraient pu être frustrés par le manque de moyens. Laurent Maindon y voit une occasion de se stimuler. "En tant que metteur en scène, j'ai donné une esthétique générale. Je me suis engouffré dans cette forme en essayant de me faire le plus de place possible". Une forme qui impose également de composer avec l'élément musical, présent tout au long de la pièce. Pour Laurent Maindon, c'est un attrait supplémentaire. "Je trouvais très intéressant de concevoir un travail scénique avec de la musique et un peu de danse. Le fait que la musique soit présente impose de trouver des rythmes différents dans le jeu."
Une pluridisciplinarité qui plaît bien au jeune metteur en scène, pour qui le théâtre doit s'ouvrir à d'autres formes d'art. "Pas parce qu'il est pauvre, mais parce qu'on enrichit l'événement scénique en lui même. C'est une épaisseur, une sédimentation supplémentaire. Mais, tout apport extérieur, chorégraphique, musical, visuel (etc..) n'a d'intérêt que si c'est un élément important de la dramaturgie. Ce n'est pas un gadget ni un accessoire. Sinon on fait de la déco."
Le metteur en scène songe déjà à sa prochaine création. "Je vais m'intéresser à Fin de partie de Samuel Beckett. Une pièce à la dimension politique très souterraine." A découvrir au printemps.