RHAPSODIES – ASPHALT JUNGLE SAISON 3
SYNOPSIS
Rhapsodies raconte les étapes de fabrication d’un reportage de téléréalité, Secret’s double. La pièce se subdivise en quatre parties. La première partie est l’organisation d’un casting qui a pour but de sélectionner deux candidats, un homme et une femme. On prend l’action encours et suit une quinzaine de candidats.
Dans la deuxième partie, un temps s’est écoulé, on assiste à la réunion de production une fois les candidats sélectionnés. On va suivre plus particulièrement la séance de relooking et de formatage de la candidate.
La troisième partie, plus courte, montre les préparatifs d’avant tournage (répétitions, petits moyens de la boîte de production…)
Enfin la quatrième partie est le résultat définitif, prêt à consommer, du reportage de téléréalité qui raconte une histoire de couple aux prises avec le désir d’enfant.
PRÉSENTATION – Propos recueillis par Solène Morizeau
Quel est le contexte général de ce troisième volet ?
LM : Dans les deux premiers volets nous nous sommes intéressés aux faits divers qui raisonnaient avec l’actualité. Or on avait cette réflexion depuis un moment avec Sylvain de se dire qu’il y avait quelque chose à faire avec la télévision. Aujourd’hui le phénomène de la Télé Réalité prend une place réelle dans les programmes en amplifiant le réel et en revisitant, réinventant, recyclant tout ce qui est lié aux faits divers.
L’idée proposée par Sylvain est d’essayer de regarder comment ce processus, ce montage fonctionne en s’intéressant à qui sont ces gens qui vont se présenter à ce type d’émission et comment s’organise la fabrication du programme.
La Télé Réalité prend une place hypertrophiée dans les programmes télé et dans ce qu’on regarde. Donc c’était forcément intéressant de poser un regard là-dessus.
On est dans une petite boîte de production qui doit s’organiser pour réaliser ce genre de reportages avec des moyens limités l’amenant à faire des choix. Donc en faisant des choix on fait des raccourcis qui contribuent à déformer le réel.
D’un côté on a l’accession au quart d’heure de célébrité à travers le petit écran et de l’autre côté on a une économie, des envies de pouvoir, un regard sur le monde…
Au sujet de la trilogie, quel est le regard porté sur la société contemporaine ?
LM : Sylvain Levey focalise son écriture sur les différents modes d’exercice du pouvoir. On s’interroge sur comment certains faits de manipulation, de soumission, sont déjà des formes de violence à part entière.
Pour faire simple, aux deux bouts de la chaîne il y a le bourreau et la victime. Ce qui nous intéresse c’est tout le chaînon de complicités, de lâchetés qui se situe entre ces deux bornes et qui rend possible les dysfonctionnements et les barbaries.
Dans cette trilogie, Sylvain Levey porte un regard lucide sur la condition humaine en racontant que chacun de nous peut se retrouver à telle ou telle place du jeu social qui est en place.
C’est une vision assez désespérée qui laisse toutefois de la place à la responsabilité. Le fait de regarder ces jeux sociaux peut permettre de prendre conscience de sa propre condition. Il n’y a pas de fatalité.
En abordant le thème de la Télé Réalité, comment ne pas tomber dans la caricature ou dans la parodie ?
LM : Pour moi la parodie s’épuise vite dans une dénonciation caricaturale du produit, produit sans lequel elle n’existe pas.
Nous sommes face à une boîte de production à petits moyens qui tente malgré tout de proposer un produit crédible pour le spectateur. Il y a toujours une recherche de sensationnalisme pour attirer le public, pour donner du rêve et du divertissement.
Dans le texte de Sylvain on retrouve bien sûr tous les clichés de la Télé Réalité l’histoire est improbable mais reste plausible.
Nous ne sommes pas dans le documentaire sur… qui aurait vocation à donner des leçons pour faire un pamphlet sur le sujet. Ici tous les spectateurs sont à même de comprendre et de prendre du recul sur ce qui est raconté et de se faire sa propre idée sur le sujet. Et puis tout le monde regarde la télé réalité et la majeure partie du public n’est pas dupe.
Quelle est la place de la vidéo dans la construction de la pièce.
LM : On arrive au terme de la trilogie. Sylvain ne s’attendait pas à ce qu’on utilise la vidéo dans Asphalt Jungle. Dans Au pays des… il attendait de voir comment nous allions l’intégrer puisque ce n’était pas du tout suggéré dans le texte. Pour Rhapsodies il nous a un petit peu pris de vitesse et proposé un story board assez précis.
On a tourné la totalité des scènes dans un seul et même lieu, en imaginant les séquences faites de bric et de broc, exactement comme évoqué dans le texte. Je pense qu’on a envisagé ce tournage d’une façon assez proche de celle utilisée par les réalisateurs de certaines de ces émissions de Télé Réalité. On a passé beaucoup de temps à décider de l’esthétique que nous souhaitions donner au reportage. Nos choix ont forcément eu des conséquences sur la manière de traiter les deux premières parties du spectacle (le casting et le formatage des castés)
Dans les deux premiers volets la tension monte peu à peu. Ici cette tension se ressent au début et s’oublie sur la fin, comme si Sylvain avait pris la dramaturgie à l’envers ?
LM : On est dans une construction qui se fait à l’inverse des deux précédents textes. Les enjeux les plus importants sont placés dès le début. La perversité n’est pas là où on l’attend. Les cartes sont posées sur la table dès le départ. C’est ce qui se joue à l’insu des personnages qui est important.
Ludivine et Frédéric se retrouvent être les élus parmi les participants au casting. Ils sont partie prenante de ce qui se passe, délibérément engagés dans ce processus. Mais finalement on peut leur annoncer toutes les aberrations de ce système et du jeu dans lequel ils entrent, c’est à leur insu qu’ils vont se retrouver dans l’engrenage de ce système induit par la Télé Réalité, dans cette illusion de la célébrité.
La télé réalité s’invite au théâtre – Paul Morizeau – le 16 janvier 2013
« Rhapsodies » est le troisième volet de la trilogie « Asphalt jungle » d’après un texte de Sylvain LEVEY mis en scène par Laurent Maindon.
Dés les premiers tableaux on est saisi par la cruauté avec laquelle les candidats d’un « jeu » télévisé vont être enfermés dans une machinerie dont ils ne peuvent s’extraire. Tout est dévoilé sur le mode opératoire d’une production d’un show de télé réalité. Chaque soir, le petit écran nous révèle le résultat d’un processus de transformation auquel sont soumis d’honorables candidats en quête de lumière. Le protocole est sans pitié pour les candides candidats qui se voient progressivement mis à nu pour subir au propre et au figuré une métamorphose dont le seul but est la conquête de l’audimat.
Le texte et les scènes s’enchainent à un rythme métronomique. Les séquences sont chirurgicales. Les candidats sélectionnés pour ce show de pacotille vont être conduits dans le tunnel de leur transformation. Leurs phantasmes vont être auscultés et reproduits dans la machinerie télévisuelle.
Rarement pièce de théâtre nous a restitué avec autant de vérité, les mécanismes destructeurs de la nature humaine. La magie du théâtre opère grâce à une mise en scène savoureuse qui prend le public comme témoin complice de cette machinerie. Le texte est sans concession. Il dit et montre les choses telles qu’elles se déroulent. L’analyse est laissée à l’appréciation du spectateur sans qu’aucun ne puisse demeurer indifférent à cette manipulation. Les rires et sourires des spectateurs saluent le jeu cadencé des comédiens. Le sourire du public se nuance de jaune quand il prend conscience des jeux et manipulation dont il est lui-même victime et qu’il feint d’ignorer quand il redevient téléspectateur. La direction et l’évolution des acteurs sont tenues dans le huis clos du plateau de théâtre. La mise en scène révèle un concentré de mauvaise foi, de médiocrité et de jeu tels que les arènes télévisuelles savent en produire.
RHAPSODIES sur le web
VOIR L’ARTICLE : Les anges déchus de la téléréalité de Mathieu Vautrin ( Scenoscopie )
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