VITELLIUS
AUTEUR : ANDRÁS FORGÁCH
ANNÉE DE CRÉATION : 2005
PRODUCTION : Coproduction LIEU UNIQUE - scène nationale de Nantes, théâtre du RICTUS
Avec l'aide du conseil général de Loire-Atlantique, de la région des Pays de la Loire, de la DRAC Pays de la Loire, des villes de Nantes et de Saint-Herblain
Réalisation des décors la M.C.L.A
NOTE D’INTENTION
Il lui reste 2 jours pour abdiquer, pour quitter le pouvoir. Tout le monde le presse mais lui, résiste comme un môme à qui on voudrait enlever son jouet de prédilection. Parent d’Hamlet, et d’Ubu, le Vitellius de Forgách, pour plus ignoble qu’il fut vraisemblablement dans la réalité, est emblème sans le sceau, empereur sans le pouvoir, tyran sans remords, humain sans le savoir. Vitellius est un incontinent de l’existence.
Avec Vitellius, Forgách convoque l’image contemporaine de l’Empereur romain en posant cette question ironique : est-ce l’exercice du pouvoir qui infantilise le tyran ou la cruauté de l’enfant qui se réveille chez tout détenteur de pouvoir ? Car ici on torture mais on caresse aussi, à moins que ça ne soit l’inverse. Dans une scénographie résolument anachronique, Vitellius s’affaire à l’exercice du pouvoir, précipitant avec lui la chute de ce qu’il lui reste de gouvernement, pendant que les successeurs sont déjà en train de préparer la relève. Vitellius aussi sincère, dans sa férocité et son délire de persécution que dans ses régressions enfantines, n’est qu’un produit jetable de l’Histoire. L’ogre et l’enfant sont ici réconciliés, dans une nature instable et brutale, cyclothymique et paranoïaque. Mais tout manipulateur finit un jour par être manipulé à son tour…
Au travers de cette fable tragi-comique, si la filiation des dictateurs de tout poil nous avait échappé, on se souviendra que Forgách écrit sa pièce avec un humour féroce, pendant que Gorbatchev solde les derniers comptes d’un brejnevisme moribond et annonce les mêmes scénarii à venir dans le reste du monde, comme si l’histoire était définitivement amnésique.
Le Théâtre du Rictus crée et présente Vitellius au Lieu Unique, spectacle inédit en France, de l’auteur dramatique et scénariste hongrois, András Forgách, qui reçut pour cette pièce, le prix de la critique en 1992 à Budapest.
LAURENT MAINDON
COMPLÉMENT
DISTRIBUTION
Aulus Vitellius, Empereur de Rome, 69 ap. J.C. : Gilles Ronsin
Sextilia, sa mère : M. Christine Livinec
Lucius, son frère : Georges Richardeau
Emilius, son secrétaire : Loïc Auffret
Sabinus, préfet de Rome : Didier Morillon
Asiaticus, Page : Ghyslain Del Pino
L'augure, l'espion, les scribes : Yann Josso
Les trois centurions : Nicolas Sansier
1er soldat, le précepteur, un sénateur : David Humeau
Sabinus, 2ème soldat, l'habilleur, un sénateur : Didier Morillon
Mise en scène : Laurent Maindon
Scénographie : Christophe Garnier
Lumières : Jean-Marc Pinault
Costumes : Anne-Emmanuelle Pradier
Bande son : Jérémie Morizeau
Graphisme : leRaF
Réalisation décor : Ateliers de la MCLA
Chargée de diffusion et Attachée de presse : Christine Carmona
Administration : Armelle Charon
ANDRÁS FORGÁCH
András Forgách est né à Budapest en 1952. Il y suit des études de philosophie et d'histoire à l'Université. En 1976, on lui propose d'être dramaturge à Kecskemét aux côtés de Jószef Ruszt, l'un des novateurs du langage scénique en Hongrie. Il y découvre le théâtre. Cette expérience fut une source d'inspiration pour sa première pièce, Le Joueur, qu'il écrit d'après l'oeuvre de Fedor Dostoievsky. La pièce est représentée en 1985 dans le plus célèbre théâtre du pays, le Katona Jószef.
Plus tard, alors "écrivain-résident" pour la revue Vigszinház, il écrit Les Amandes, pièce inspirée de La Cerisaie d'Anton Tchekhov, qui sera adaptée sept ans plus tard pour la télévision.
En 1981, il commence l'écriture de Vitellius, sa pièce majeure à ce jour. La pièce est achevée dix ans plus tard et mise en scène avec succès cette même année au théâtre de Pécs. Elle remporte en 1992 le Prix de la Critique. Sous la traduction de Laurent Maindon, le texte est choisi en 1993 par le comité de lectures du Bureau du répertoire de Théâtrales pour être au catalogue des tapuscrits.
Le secret (A Pencér), écrite en 1985, est la première partie d'une trilogie consacrée à la recherche sur le dialogue. Une pièce radiophonique en fut adaptée six ans après sa rédaction. Ces deux dernières pièces ont paru en Hongrie en 1991 dans un même volume. Elles sont traduites en français par Laurent Maindon.
András Forgách écrit de nombreux essais sur le théâtre et le cinéma dans plusieurs revues spécialisées (Szinház, Vigszinház, Filmvilág, Filmkultura...) ainsi que quelques courts textes en prose et publie de nombreux dessins. Un second livre rassemblant des essais et critiques théâtrales paraît en 1996 à Budapest sous le titre générique : Personnage à la Figaro.
En 1999, il publie un roman, Celui qui n'est pas (Akinincs), et en 2000 Succès vicieux (Gonosz siker), son deuxieme livre d'essais.
Travaillant comme auteur indépendant depuis 1984, Forgách a écrit également de nombreux scénarii, dont 3 long métrages réalisés par Attila Janisch. Le dernier en date Lendemain sera prochainement disponible en DVD.
Il a réalisé de nombreuses traductions (plus d'une trentaine)de l'anglais, l'allemand et du français. On peut citer entre autres Edouard II de Marlowe, le Roi Lear de Shakespeare, La descente d'Orphée de Tennessee Williams, la Famille Schroffenstein de Kleist (qu'il vient de mettre en scène à Budapest au Kamaraszinház), Lulu de Wedekind, Allers-retours d'Horváth, le Mariage de Figaro de Beaumarchais, Haute surveillance de Genet...
En avril 1992, Forgách fut résident à la Maison de Ecrivains Etrangers de Théâtre de Saint-Herblain.
PRESSE
L'Humanité - 7 mars 2005
Vitellius horribilis au Rictus
La pièce du Hongrois Andras Forgach, récompensée en 1992, est mise en scène pour la première fois en France par Laurent Maindon.
D'Aulus Vitellius, mort en 69 après Jésus-Christ, année où il fut empereur, on sait peu de chose. Hormis que sous son règne, c'était la crise économique et la terreur. Vitellius, aussi, célébrait l'empereur déchu Néron, ce qui suffit à nous le rendre très antipathique, et à le présumer fou, ce qu'il fut, descendant qu'il était d'une famille romaine de dégénérés.
Le réputé et prolifique auteur hongrois Andrs Forgch, né en 1952, est le seul à avoir écrit sur Vitellius dans une pièce éponyme qui, distinguée en 1992 par le prix de la critique à Budapest, imagine la dernière journée de règne d'un empereur qui n'a d'autre choix qu'abdiquer. Le chaos règne au-dehors, et Domitien est désigné par la plupart pour lui succéder.
Forgch a imaginé un empereur atrocement cyclothymique et capricieux, qui cède le pouvoir et se rétracte aussitôt, qui s'accroche à son titre, dont il ne prend aucunement la mesure, comme à un joujou. L'épilogue du texte de Forgch, selon nous, s'étire peut-être trop, voulant en dévoiler chaque accent, dans ce refus de renoncer à l'omnipotence. Reste qu'en ce personnage de Vitellius, « cousin d'Ubu et d'Hamlet », l'auteur rassemble de manière admirable et vitalisante deux symptômes du pouvoir à leur paroxysme : la tyrannie, et l'infantilisation de soi, qui se nourrissent, voire s'emboîtent, parfaitement. C'est que l'écriture de Forgch est insatiable de revirements brutaux. Si elle tisse, prodigue une sorte d'assagissement tout de velours, du sucre presque, c'est pour mieux dégorger une violence aiguë, sans appel. Dès lors, tout signe de tendresse dans les mots de Vitellius sera aussi d'inquiétude.
Le metteur en scène Laurent Maindon, qui avec Vitellius n'en est pas à sa première traduction de l'auteur, en livre une adaptation plutôt convaincante, bien que l'on déplore le manque de nuances des décors. À la première partie, nous saute ainsi aux yeux une rouge et massive pièce de Lego à l'envers, soit le lit de Vitellius, couvert de peluches. Des attributs redondants, et prenant notre perception en otage, avec des dialogues qui disent tant un empereur, sale mioche jusqu'au bout du crâne qu'il a chauve.
Un empereur, un gosse en combinaison de muscles en plastique, qui met au défi son frère de faire une grimace quand Rome gronde, et dont le ventre se met à gargouiller quand le sort de la rue est suspendu à son discours, facétieusement remanié, puis oublie d'un coup, pour une anecdote idiote. Un empereur affreux, qui fait peur. Affreusement drôle. Qui, frustré par sa bêtise, multiplie les coups de sang cinglés en ce jour de débâcle. Un Vitellius libidineux enfin, ou voulant juste un camarade de jeu, quand il part en quête d'un page (interprété avec une féerie insolite par Ghislain Del Pino) comme si c'était là nécessité d'État. Ce Vitellius décadent, et coquet, Laurent Maindon gigote à tout va sous sa perruque, le faisant sombrer dans une frénésie confinant au pathologique quand, dans la seconde partie, le décor dénudé à bon escient (du « lit Lego » il ne restera que le sommier) dit la ruine de son pouvoir...
Entourant cette agitation, le secrétaire, l'augure, le frère Lucius, etc. sont correctement campés, mais ces personnages gagneraient - avec des ajustements - à trouver leur énergie propre, moins subordonnée à celle de Vitellius.
Un rôle, il est vrai, dont la folie est si outrancière qu'elle aimante notre sensation, notre stupeur (songeant aux pays à la botte de tels déments), ou le rire libérateur. À Gilles Ronsin, à son jeu excité, galvanisant, à la générosité, enfin, avec laquelle il a plongé dans la peau du tyran, ce Vitellius doit vraiment beaucoup.
Aude Brédy
Ouest France – Joseph Fourage 06 / 05
…/… Le mérite de la mise en scène de Laurent Maindon est d’avoir, par « le choix des armes » (très contemporaines), su établir la désespérante permanence des ressorts de toutes les tyrannies. Le décor, où voisinent légos géants et nounours, où lupanar et chambre baignent dans la lumière glauque d’une fin du monde, a été l’écrin idéal pour cette réalisation plus que remarquable du théâtre du Rictus. La compagnie nantaise, avec cette pièce d’András Forgách, clôturait (au THV) le festival Repérages organisé jusqu’au 4 juin en partenariat avec le NTA.
Ouest France Véronique Escolano 03 / 05
Un décor minimaliste mais magistral se lève dans un chaos de musique. Les lumières impriment une tapisserie aux motifs nounours. Un lit en Lego géant.Le roi dort. Un lit comme un trône. Le roi pisse.Le roi porte une grenouillère « musclor ». Le roi se gratte. Le roi a faim. Le roi a des gargouilles. Le roi est humain. Ce roi enfant ou enfant roi est le mal connu Vitellius, empereur de Rome en 69 après JC……/…Il y a du Ubu et du Hamlet dans cet empereur de la lignée des décadents, de moins en moins enfant au fil de la pièce et de plus en plus humain. Il y a aussi les politiques de tout temps qui s’accrochent à un lambeau de pouvoir.
…/… Rome ne s’est pas faite en un jour et il a fallu deux ans de travail à Laurent Maindon pour traduire et monter Vitellius, présenté au lieu unique en mars dernier. Un travail colossal, ingénieux et intelligent pour habiter de Ionesco et de Shakespeare, dans un esprit BD, ce Vitellius mêlant les genres…