Mundo Mantra – un projet Biche Prod



 

Mundo Mantra – Focus sur un projet de Guillaume Bariou

D’après le livre Mantra de Rodrigo Fresan, traduction Isabelle Gugnon, Ed. du Seuil // Création en décembre 2015

L’Etranger est au seuil de la mort. Il est atteint d’une tumeur au cerveau étrange qui lui re-formate ses souvenirs. Sa mémoire se focalise sur ses consultations avec le docteur Marcos-Matus, enregistrées sur une cassette, sur une femme française qu’il a aimé, Maria-Marie, et surtout sur sa rencontre avec un camarade de classe singulier : Martin Mantra.
Ce dernier, génie maudit, fils de stars mexicaines de soap-opera, seul héritier de l’empire Mantra, jeune réalisateur du « film total » Mundo Mantra et mascotte d’un hypothétique groupe de lutteurs masqués, devient le citoyen d’honneur du cerveau « mexicanisé » de l’Etranger. Et de fait, celui de l’espace scénique.
Nous suivons les rêves éveillés d’un homme en phase terminale, un homme à la recherche d’une femme, l’histoire de ses vagabondages mentaux dans une ville de Mexico fantasmée. Nous décollons avec lui vers cette ville baroque, en l’observant réaliser sous nos yeux le « Final Cut » du film de sa vie. Nul doute que l’atterrissage aura lieu le jour de la fête des morts.

Martin Mantra ressemble un peu au personnage principal de la fresque de Diego Rivera intitulée El hombre, controlador del universo (« L’homme, contrôleur de l’univers »), seconde version de celle que le jeune magnat Nelson Rockfeller avait détruite. De ses mains jaillissent des coups de tonnerre, des éclairs, des bacilles, des galaxies, des conflagrations astrales, l’apocalypse de mondes et la genèse d’univers. Je me contenterais d’apparaître autour de sa silhouette tel un satellite en orbite résigné et inamovible et, si possible, si ce n’est pas trop gênant, avec un masque de catcheur.

NOTE D’INTENTION
Mon projet n’est pas de construire une adaptation scrupuleusement fidèle au texte de Rodrigo Fresan. L’enjeu n’est pas de « résumer » Mantra, mais de rendre sa force, son mouvement, sa profusion. L’objectif est de partir d’un personnage central, le narrateur, et de considérer que le cerveau de cet homme, ses errances et son délire, peut constituer l’unité de temps et d’espace de la pièce, afin de pouvoir créer une oeuvre scénique singulière. Ce narrateur, manipulé par sa tumeur, et la plupart des autres personnages de la pièce ne sont pas vraiment les acteurs décisionnels d’une histoire, mais avant tout des porteurs d’histoires, qu’ils content à un interlocuteur.Le plateau sera, tout comme le livre, peuplé de fantômes et de morts. Autant de spectres qui vont agiter notre homme sur le plateau. Autant de présences et de manifestations qui vont l’entourer, au fur et à mesure que son cerveau les rappelle. Et ces fantômes, ces spectres, semblent plus vivants que les vivants. Dans leur langage : où se trouve la réalité? Où s’arrête la fiction ? Les deux sont totalement inséparables, comme dans l’écriture de Rodrigo Fresan. Il me semble tout indiqué de s’emparer de cette langue fictionnelle et créative via le théâtre et la musique et de relater cette façon dont les morts regardent les vivants.
La pièce est aussi une ode à l’enfance, à cet âge des possibles et de l’ouverture au monde. Ce passage fuyant où l’on n’a pas encore peur du futur, car nous sentons intimement qu’il nous appartient toujours. La pièce traite aussi et surtout de la mémoire. Elle explore les mécanismes qui permettent à chaque mot de définir un moment, un souvenir, un endroit. Nous ne laissons pas le passé derrière nous, nous conservons tout de manière codée. Toute chose (une ville, une femme, un pays, une vie) peut être reconstituée (ou construite) avec des mots.
G. Bariou

Mise en scène : Guillaume Bariou d’après le livre Mantra, de Rodrigo Fresan. Traduction : Isabelle Gugnon, Éditions du Seuil. Avec : Christophe Gravouil, Rachel Langlais, Marilyn Leray, Nicolas Sansier et Clément Vinette. Création lumière : Erwan Tassel. Régie Son : Jérémie Morizeau. Scénographie : Arnaud Verley et Philémon Varnolé (Société Volatile). Diffusion : Plus Plus Production.